La sensualité futuriste
Le 6 mai 2006 la galerie ABΠ s’est complètement transformée pour une soirée unique. Certains participants se croyaient dans un film de science-fiction, d’autres évoquaient plutôt l’ambiance d’un James Bond, chacun cherchait ses repères tant ce spectacle était hors du commun.
Sur le podium traversant la salle, des reines futuristes se déplaçaient lentement, comme hypnotisées, le visage figé et le regard absent. Leurs coiffures lisses et coniques, leurs maquillages forts et pailletés leur donnaient une allure cosmique. La musique, rythmée mais douce, aux inspirations boudhistes, les guidait, la lumière ultraviolette enrobait leurs corps d’une froideur métallique. Tout cela constituait une parfaite mise en scène pour les créations d’Antoine Capt.
Ce jeune styliste lausannois diplômé de Canevas s’est déjà fait connaître dans le milieu par ses idées audacieuses transgressant la notion même du vêtement. Rappelons le body en bois présenté lors du Ouchy Festival en 1997, création qui lui a rapporté un Prix d’Extravagance, ou encore la combinaison de plage fuchsia primée d’un Prix de l’Originalité au même festival. Il a aussi tenté des grandes manifestations où le stylisme était partie intégrante d’un ensemble festif comme Urbain Show, un spectacle plein air au Flon de Lausanne ou un défilé – événement Swatch à Bienne. Pour Eros-ART-Show chez ABΠ, Antoine a pu donc mettre en œuvre tous ses talents.
L’opposition de la féminité et de la technique constituait le point d’encrage de la collection. Le styliste a su tirer de ce duo en apparence inconciliable la force d’expression de ses créations. Le côté technique était illustré par des matières. Il s’agit de tissus utilisés par l’industrie horlogère pour ses bracelets de montres. La composante métallique leur assure une brillance et une rigidité quasi robotique. En même temps la riche palette des couleurs allant du bordeaux profond au vert fluo empêche l’uniformité. Antoine s’est aussi servi d’accessoires métalliques tel des agrafes omniprésentes pour rendre visible et souligner la mécanique de l’habit en mouvement.
Un jeu subtil de fentes, ouvertures laissant soupçonner et parfois simplement entourant la nudité du corps des mannequins instaurait un apport féminin et sensuel à la collection. Les créatures futuristes s’animaient dans une danse, les vêtements suivaient les mouvements de leurs corps, ou parfois obéissaient à leur propre logique en dévoilant des parties cachées.
Le défilé était composé de trois parties, chacune plus énergique que la précédente. La musique si adroitement mixée par le Symphologic croissant en intensité et se rapprochait des séquences techno et des créations d’Antoine de plus en plus érotiques. Le public a apprécié cette graduation d’émotions esthétiques et a été séduit par la subtilité de la sensualité futuriste de la collection. Après avoir chaleureusement félicité le créateur des nombreux spectateurs sont venus l’interroger sur la commercialisation de ses habits. Ceci n’est pas pour l’instant prévu, mais indéniablement le défilé chez ABΠ constitue un grand pas dans la carrière professionnelle d’Antoine.
Dorota Niedzwiecka Audemars
Attachée de presse ABPi