Pierre Jeanmonod

Artisan restaurateur de tapis et kilims
Tissages minimalistes d’Iran

Je me passionne pour les textiles orientaux. Après une formation de restaurateur en tapis et quelques voyages en Orient, j’ouvre en 1988 mon négoce, La Maison du Tapis à Lausanne, et me spécialise dans la vente de tissages tribaux appelés « kilims ».

La symbolique liée à la fonction de ces textiles me fascine. Les tissages nomades ont des usages particuliers, destinés à faciliter la vie nomade. Ainsi certains servent de nappe, d’autres de table pour pétrir la pâte à pain, d’autres de sacoche à sel…

Toutes ces pièces sont conçues avec un souci d’esthétique, qui en fait des œuvres d’art à part entière.

Au fil des années, cette passion me pousse à rechercher d’autres types de tissage encore méconnus, circonscrits dans des zones reculées d’Iran. En parallèle aux tissages nomades traditionnels, je collecte aussi des kilims à composition plus abstraite. Monochromies, ils sont basés sur des variations de couleur plutôt que sur la symbolique des motifs, réduits au minimum ou totalement absents.

Les kilims exposés au mois de septembre à la Fondation ABπ sont des tissages en provenance de la région de Mazandaran en Iran. Jusqu’à maintenant peu connus, ces kilims ont été tissés en bandes, généralement noires et blanches, par des femmes issues de petits villages reculés. Ils produisent un effet visuel saisissant.

Certains mettent en parallèle le minimalisme de ces kilims avec les compositions d’un Ellsworth Kelly ou évoquent l’expressionnisme abstrait d’un Mark Rothko.

Il me plaît de souligner que ces tissages ont été conçus dans un environnement sommaire, sans aucune connaissance académique au sens occidental du terme, si ce n’est celle découlant de la tradition. Au delà de l’art conceptuel, il s’agit ici plutôt de création innée.

Par l’entremise de cette exposition, je rends hommage à cet art textile mésestimé, parce que trop éloigné de notre culture et souvent prétérité par des préjugés inspirés d’une connaissance lacunaire.

Honneur à toutes ces tisserandes anonymes qui, par l’entremise d’un fil bien tissé, participent au sel de la vie, à savoir : l’Art dans son sens global.

(La Maison du Tapis, Lausanne)

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