Fanny Audemars

Sculpteur

Après des études à l’Ecole Technique du Sentier pour son CFC de dessinatrice en microtechnique, elle poursuit sa formation à l’Ecole des Métiers de Lausanne et obtient son diplôme de technicien ET en mécanique.

Elle part en Angleterre pour des études de langues à Cambridge où elle découvre le design.

En 1989, elle travaille chez AUDEMARS TECHNOLOGIES à Aubonne, où elle développe de nouveaux produits, crée et réalise des nouveaux catalogues de l’entreprise. Elle participe à la préparation d’expositions spécialisées nationales et internationales.

En 1990, elle entre chez JAQUET ORTHOPEDIE à Plan-les-Ouates, où elle crée l’outillage pour machines CNC et création de gammes d’opérations. Elle travaille également sur le développement de nouveaux produits et participe au suivi en production.

En 1994, chez HAEMONETICS à Nyon, elle collabore avec des ingénieurs sur le développement de système.

En 1995, chez STERN CREATIONS à Meyrin, elle travaille le design en créant des lignes de cadrans au niveau prototype (Cartier, Piaget, Audemars-Piguet, Bovet, Jaquet-Droz…).

En 1997, elle développe chez STS INDUSTRIE SA au Mont-sur-Lausanne deux machines uniques de galvanoplastique ( étude, implantation, plans de fabrication et suivi du montage à l’interne)

En 1998, chez FREDERIC PIGUET au Brassus, elle fait de la gestion administrative BT et participe au comité de rédaction du journal de l’entreprise.

En 1997, elle rencontre le peintre et sculpteur Joe Boehler et se consacre à sa vraie passion la sculpture. Pendant plusieurs années, elle travaille des plâtres en décomposant et recomposant des formes issues de l’architecture des cathédrales. De cette analyse naissent des œuvres épurées.

Elle expose pour la première fois avec les élèves de Joe Boehler à l’Hôpital Orthopédique de Lausanne en 1999.

En 2001, elle crée son propre atelier ainsi que la société ABPi Lausanne avec Joe Boehler où elle travaille le design et la sculpture.

En 2003, elle produit la performance Comme au cinéma, une performance retransmise en direct sur le net dans le cadre d’ABpi et y présente ses sculptures.

Cette performance sera suivie de beaucoup d’autres. Quelquefois, Fanny Audemars y expose ses oeuvres ou les crée en direct. Mais toujours, elle en est la productrice.

Article de Sylviane Caminati: La passion de Fanny, la sculpture

En 2022, elle inaugure son horloge sculpture monumentale « Les Âmes du Temps », au Brassus.
Elle expose également ses « Têtes » et plusieurs autres sculptures, dont 2 oeuvres de grand format coulées dans le bronze. La Fondation ABPi abrite l’exposition « Métamorphose des Âmes ».

Article de Renato Hofer dans Accrochages (octobre 2022)

Parcours artistique

Le parcours artistique de cette jeune sculptrice comporte deux séries de travaux. Elles sont toujours ouvertes, inachevées, constamment enrichies par l’évolution de sa technique et des nouvelles pièces qui en résultent. Cependant, même à ce stade, ces deux séries sont bien distinctes et cohérentes car liées par une idée esthétique commune et réalisant chacune un plus vaste projet artistique.

Les sculptures géométriques aux lignes épurées évoquent les éléments architecturaux des cathédrales. Elles font partie du parcours obligatoire de l’apprentissage compagnonnique, que Fanny réalise sous l’œil spécialiste de Joe, compagnon libre-penseur. Chacune d’entre elles est un fruit d’un long chemin créatif fait de réflexion, de construction, de décomposition et des multiples corrections. Ainsi l’artiste a choisi le plâtre comme matériaux du travail (les pièces achevées sont ensuite coulées en bronze) car étant parfaitement malléable il permet toute sorte des corrections et rajouts, mais aussi l’usage des moules en négatif et positif. En plus il assure aux sculptures l’aspect parfaitement lisse auquel l’artiste semble tenir tout particulièrement.

Dans ces réalisations, elle impose à elle-même une rigidité de formes qui résulte sans doute de son passé professionnel dans les domaines techniques. Il est cependant frappant que chacune de ces belles formes, semblant stable et finie, porte en soi un élément de décomposition, d’imperfection et de désordre. C’est un grain de périssable dans l’immortel, une trace de l’humain dans le divin, une sortie de secours d’un monde prédéfini et calculable. Ainsi le cercle est interrompu et ses deux bouts n’arriveront jamais à se joindre, car leurs lignes ne correspondent pas, la voûte porte une étrange forme sur son sommet qui l’empêche de porter le poids et l’arche dont la base n’est pas alignée donne l’impression de déséquilibre. Petit à petit, à partir des ces pièces manquées l’artiste construit une étrange cathédrale moderne. Elle symbolise sa position face aux questions concernant la condition humaine et la sienne en particulier dans le monde où Dieu et la religion occupent une place majeure.

Encore plus personnelle, la série des Têtes de Fanny A. est un témoignage troublant de son parcours psychologique et auto culturel visant la libération des angoisses refoulées dans l’inconscient. Dyslexique et introvertie, l’artiste a trouvé dans son art une façon de s’ouvrir et de communiquer avec l’extérieur à travers le contact tactile avec les matières sculptées. Ces pièces sont réalisées rapidement, contrairement aux formes géométriques, elles résultent plutôt d’une éruption émotionnelle que de la réflexion prolongée. L’artiste travaille par les jets instinctifs et rarement corrige le résultat.

Ici aussi, le thème de départ lie la série à la tradition compagnonnique, car il s’agissait de réaliser une version moderne des gargouilles des cathédrales. Cependant, la façon dont l’artiste a traité ce sujet procure la sensation déroutante d’être en présence de multiples incarnations de souffrance et d’aliénation. Les têtes sont petites, compactes, l’effet de densité étant encore souligné par le choix du métal comme matériaux de coulage. Leurs yeux souvent fermés, toujours enfouis et posés bien en profondeur. Les traits déformés par des grimaces terrifiantes sont quasi inhumains et évoquant plutôt des monstres d’architecture du Moyen Age. Mais l’élément qui invariablement attire l’attention et qui semble être le plus expressif est la bouche figée dans un cri muet. L’extériorisation est violente comme reflétant des sentiments qui animent cette création. Néanmoins on note une évolution allant vers un adoucissement des pièces composant cette série et leur « humanisation ». Les dernières Têtes sont plus grandes, elles ouvrent les yeux et les lèvent vers le ciel, les grimaces de la souffrance disparaissent et les bouches se ferment. La paix et la sérénité commencent à les gagner.

Le projet cependant est loin d’être achevé, car l’artiste a prévu une centaine de Têtes qui, un jour, fixées sur les longs piliers et habillées de robes faites d’un tissu léger animé par le mistral, composeront sur des places d’Avignon un étrange cortège de Témoins.

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